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Le 10 janvier 1980, j’ai été envoyé en prison pour avoir détourné une importante somme d’argent. Ma dépendance au jeu m’a coûté cher. J’ai tout perdu : ma famille, mes finances et ma liberté. Lorsque je suis sorti, je savais que j’aurais besoin d’aide pour demeurer loin du jeu.
Lorsque j’ai commencé à chercher, j’ai eu beaucoup de difficultés à trouver les services dont j’avais besoin et je savais que je n’étais pas le seul dans cette situation. Trois ans après avoir trouvé l’aide qu’il me fallait aux É.-U. auprès du Dr Robert L. Custer et tiré toutes les leçons possibles de cette expérience, j’ai créé, avec seulement quelques dollars en banque, la Fondation canadienne pour le jeu compulsif. Le bureau se trouvait dans mon sous-sol.
Contrairement à Tibor, je n’avais aucune expérience antérieure dans le milieu du jeu. Ce que je possédais, toutefois, c’était une expérience solide en prévention, tant du point de vue opérationnel que des politiques, que j’avais acquise dans le domaine de l’alcool et des drogues ainsi que dans le secteur des personnes handicapées. J’aimais vraiment le défi de trouver des façons de réduire le jeu problématique. J’ai eu à apprendre ce que le vécu de Tibor lui avait appris, c’est-à-dire que le jeu problématique a de réelles répercussions, qui sont souvent dévastatrices pour les gens. Il s’agit d’un travail important.
Je sais très bien que la prévention à elle seule ne nous permet pas de réduire les problèmes ou torts sociaux. Pour aider les gens à ne pas avoir de problèmes, il faut les informer et les encourager. Mais il faut aussi influencer l’offre et, dans ce cas-ci, il faut changer la façon dont le jeu est offert.
Je suis fier de ce que le CJR est devenu, et de savoir que c’est moi qu’il l’a mis sur pied. Lorsque j’ai envoyé une lettre à une centaine d’Ontariens influents, je ne savais pas ce qui en découlerait. Presque toutes les personnes à qui je m’étais adressé ont répondu positivement et c’est alors qu’est née la FCJC.
Mais plus que tout, je suis fier de savoir que j’ai aidé des gens. J’ai transformé ma propre expérience en quelque chose de positif. Lorsque je n’étais pas à la recherche de financement, j’étais avant tout un conseiller. Je voulais que les joueurs compulsifs sachent que quelqu’un comprenait ce qu’ils vivaient. Aujourd’hui, je rencontre des gens que je sais avoir aidés. J’ai également eu l’occasion de me rendre dans des prisons pour discuter avec des gens emprisonnés en raison de crimes liés au jeu compulsif et j’ai offert de la formation sur le jeu compulsif à des professionnels de la santé. Personne d’autre ne le faisait. Tout cela a eu un réel impact.
Je sens que le CJR a été en mesure de contribuer de façon bien réelle et concrète à la prévention grâce à des programmes pratiques comme des programmes pour les jeunes, des campagnes de marketing social et des kiosques d’information et d’éducation dans les établissements de jeu, les centres Jouez sensé. Nous avons été capables d’influencer les politiques publiques et l’offre de jeu en effectuant des recherches sur les meilleures pratiques et en offrant une accréditation aux sites de jeu qui satisfont à des critères élevés en matière de protection des joueurs.
Au-delà de cela, ou peut-être même le sous-tendant, je suis fier de la façon dont nous avons maintenu notre point de vue équilibré. Lors de ma première journée, Tibor m’a dit : « Nous sommes ici pour régler le jeu problématique et non pour s’opposer au jeu. » Le CJR est toujours resté fidèle à cette valeur fondamentale.
Le plus grand défi a été le financement. Durant les 15 années que j’ai dirigé la Fondation, j’ai passé la majorité de mon temps à tenter d’obtenir assez de financement pour continuer. Convaincre l’industrie et le gouvernement que le jeu compulsif constituait un problème pour eux a nécessité beaucoup de travail. À ce moment, il y avait surtout du déni. C’était difficile de faire comprendre aux gens mon point de vue. Je n’ai jamais été contre le jeu. Je me mesurais à des gens qui ne comprenaient pas l’importance de se soucier des problèmes que causait le jeu pour certaines personnes; j’étais donc parfois l’ennemi.
Comme Tibor, mon premier et plus grand défi a été la recherche de fonds. Au début, nous travaillions avec très peu de moyens. Il faut se rappeler que c’était bien avant que la formule de financement pour le jeu problématique soit lancée en Ontario en 2002; il y avait donc très peu de soutien. J’étais convaincu que le soutien financier passerait nécessairement par la mise en place de programmes, principalement des programmes de prévention. Nous avons donc travaillé à l’élaboration de programmes pour les jeunes, de campagnes publiques et d’idées pour des politiques. Comme l’a mentionné Tibor, le plus grand défi était qu’on acceptait mal que le jeu problématique soit un véritable problème qui méritait une partie des ressources publiques. La FCJC avait très bien réussi à mettre le jeu problématique à l’ordre du jour public, mais il y avait encore tellement à faire. Et, à ce jour, je pense que cela est toujours vrai.
Mon travail a eu un immense impact sur ma vie. Ma famille et moi avons subi beaucoup de stress, mais, d’une certaine façon, le travail s’est avéré pour moi un programme d’aide personnelle. Si on y réfléchit, la plupart des programmes de rétablissement et d’aide personnelle comprennent un élément commun : partager votre histoire et écouter celle des autres. Tous les jours, en faisant le travail que j’ai fait, je faisais exactement ça. Et cela m’a aidé à m’assurer que mon jeu compulsif soit chose du passé. Je suis à la fois fier et reconnaissant de cela.
Le CJR a franchi plusieurs jalons et connu plusieurs réussites. Ceci me laisse avec un mélange étrange de fierté et d’humilité. La fierté vient de ce que nous avons accompli, tandis que l’humilité vient du fait de savoir que ces réalisations sont partagées à juste titre avec plusieurs autres personnes et, honnêtement, découlent en partie d’avoir été au bon endroit au bon moment. Lorsque les gouvernements ont finalement été prêts à écouter, la FCJC/le CJR était en place déjà depuis fort longtemps. Et je sais, avec une certitude absolue, que rien de cela n’aurait été possible sans l’engagement inébranlable de Tibor d’attirer l’attention sur les effets réels et dévastateurs que le jeu problématique cause chez certaines personnes.
Au cours des 20 dernières années, le CJR a tellement grandi et évolué. À plusieurs égards, Jon a fait des choses que je n’aurai jamais été capable de faire en ce qui concerne la création de programmes, la préparation de campagnes de sensibilisation ainsi que dans les domaines de la recherche et de l’accréditation officielle. C’est une très grande réalisation et j’ai bien hâte de voir vers où se dirigera maintenant le CJR.
Les gouvernements continuent de se fier aux revenus qu’engendre le jeu; la raison d’être du CJR demeure donc toujours actuelle. Toutefois, je suis encore préoccupé du fait que ce ne sont pas toutes les personnes qui ont besoin d’aide qui en reçoivent, particulièrement en ce qui concerne les traitements qui visent les caractéristiques uniques du jeu compulsif. Le jeu compulsif est un défi complexe et, même si la prévention est importante, nous devons encore trouver de meilleures façons pour aider ceux qui sont aux prises avec cette dépendance autodestructrice, y compris des cliniques avec ou sans séjour.
Le monde du jeu a énormément évolué. En 1988, nous parlions principalement de casinos et de loteries. Maintenant, le jeu comporte un nombre élevé et croissant de facettes, comme miser sur des jeux vidéo ou des ligues sportives fictives. Cela signifie donc que le monde du jeu responsable se doit d’évoluer pour inclure une panoplie de types de jeu, chacun avec sa population de joueurs et sa terminologie. Ceci représente un défi de taille pour le CJR et le secteur dans son ensemble. Mais évoluer, c’est quelque chose que le CJR connaît bien. Je suis persuadé que dans dix ans, le CJR sera toujours un chef de file en matière de nouvelles informations et de façons novatrices pour répondre aux nouvelles demandes.
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